La Convention franco-luxembourgeoise

Ayant pris effet le 1er janvier 2020, la Convention fiscale franco-luxembourgeoise vise à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproques en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune en vue de réduire autant que possible l’évasion et la fraude fiscales.

Tout secteur d’activité se voit donc appliquer la Convention dès lors qu’il se trouve en présence d’un montage fiscal faisant intervenir une personne physique ou morale résidente d’un État contractant ou de deux États contractants. Avec une réglementation européenne relative à la transparence fiscale coulant à flot et des exigences de plus en plus poussées, les acteurs de la place luxembourgeoise se doivent d’être davantage compliant à ce sujet.

À cet effet a été introduite la clause de transparence vis-à-vis des sociétés de personnes imposant l’échange automatique des informations relatives aux décisions fiscales ainsi que les déclarations des activités des entreprises multinationales. Une notion inédite voit le jour : la clause anti-abus (inexistante dans les Conventions franco-suisse/belge/néerlandaise). Elle est connue également sous la dénomination « Principal Purpose Test » en tant que clause anti-abus générale contre les montages ayant un objectif principalement fiscal.

La Convention est en réalité une application directe des instructions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dans son rapport n°190 (2018-2019), le sénateur français Vincent Delahaye souligne la facilitation de l’approbation de la Convention préconisant la transparence fiscale par la reprise des standards de l’OCDE. Roger Karoutchi, membre de cette même commission, est optimiste quant au perfectionnement de la transparence fiscale par cette Convention, contrairement à d’autres n’ayant pas eu de réel impact sur les sociétés bancaires et financières luxembourgeoises. De plus, relevons que le « forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales » de l’OCDE rapporte que la note luxembourgeoise en matière de transparence fiscale est passée de « non conforme » à « largement conforme » et se place désormais à la même place que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et Italie.

L’un des apports-phares de la Convention est la redéfinition de « l’établissement stable » par reprise de celle donnée par l’OCDE : « toute personne qui agit exclusivement ou quasi-exclusivement pour le compte d’une entreprise à laquelle cette personne est étroitement liée sans que des arrangements de pure forme n’interdisent une telle qualification ».  L’imposition des bénéfices se fait exclusivement dans l’État de résidence de l’entreprise sauf si elle exerce son activité dans l’autre État par l’intermédiaire d’un établissement stable.

Une entreprise notamment, peut, en cas de défaut « d’établissement stable » être représentée par un « agent indépendant ». La Convention reprend la définition de l’OCDE « Lorsqu’une personne – autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant (…) – agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un État contractant de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet État pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise […] ». Pour ce faire, l’agent doit être juridiquement et économiquement dépendant de l’entreprise, c’est-à-dire faire preuve d’un engagement contractuel de sa responsabilité ; il doit être en mesure de conclure les contrats de l’entreprise ; présenter une certaine stabilité ; exercer des activités qui, si exercées par une installation fixe d’affaires, caractériseraient l’existence d’un établissement stable.

L’objectif majeur de la Convention est la cessation de la double imposition. Par l’avenant du 10 octobre 2019 amendant le texte de loi, la méthode du crédit d’impôt réel est abandonnée pour celle du crédit d’impôt fictif. Pour les travailleurs frontaliers, c’est un soulagement : le revenu des travailleurs résidant en France sont soumis à la méthode du crédit d’impôt égal à l’impôt français.

« Une fois acquittés de leurs impôts sur leur salaire au Luxembourg, les frontaliers ne seront pas retaxés sur ce revenu-là en France. Ça sera très bien pour la paix des ménages », avait déclaré Pierre Gramegna, Ministre des Finances luxembourgeois. Ces nouvelles dispositions, attendues par les travailleurs frontaliers, s’appliqueront aux périodes d’imposition commençant le 1er janvier 2020.

Pour les entreprises, la Convention pose de nouvelles règles en matière de taxation de leurs dividendes. La Convention nous fait part de sa définition des dividendes désignant les revenus provenant d’actions, actions ou bons de jouissance, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l’exception des créances, ainsi que les revenus d’autres parts sociales assimilés aux revenus d’actions par la législation fiscale de l’État dont la société distributrice est un résident. Également, elle précise qu’au Luxembourg les revenus perçus par des bailleurs de fonds avec participations aux bénéfices d’une entreprise commerciale sont considérés non pas comme des intérêts au sens de l’article 9 de la Convention mais comme des dividendes.

L’État de source peut prélever jusqu’au 15% du montant brut. Pour les dividendes de source française versés au Luxembourg, il semble peu probable dans la réalité qu’un tel taux soit atteint dû à la « flat tax » fixée à 12,8%. Pour les dividendes de source luxembourgeoise versés en France, la situation est moins avantageuse car l’impôt luxembourgeois prélevé à la source est supérieur à l’imposition française.

De nouvelles précisions sont apportées sur l’imposition sur la plus-value de cession mobilière. En principe, elle s’opère dans l’État de résidence du cédant. Par exception, et c’est une nouveauté, l’imposition s’opère désormais dans l’autre État en cas de cession de parts ou d’actions d’une société résidente de cet État lorsque le contribuable a une participation substantielle (supérieure à 25 %) dans cette société et qu’il a été résident de cet État à un moment quelconque au cours des cinq années précédant l’aliénation. Ainsi, les praticiens s’interrogeront justement pour l’avenir sur l’articulation de cette nouvelle règle avec l’exit tax française.

Ces modalités d’imposition s’adaptent en présence d’enjeux immobiliers. Si l’actif ou les biens de la société sont constitués pour plus de 50 % de leur valeur ou tirent plus de 50 % de leur valeur (directement ou indirectement) de biens immobiliers situés dans un État contractant ou de droits portant sur de tels biens, le droit d’imposer la plus-value de cession des parts appartient à l’État de situation desdits biens.

Notons que la notion de prépondérance immobilière est appréciée sur une période encadrée de 365 jours précédant la cession. Ainsi, une société qui aurait cédé tous ses actifs immobiliers préalablement à la cession de ses titres pourra être considérée comme étant à prépondérance immobilière si elle a dépassé le seuil de 50 % à un moment quelconque au cours des 365 jours précédant la cession de ses titres.

Un traitement particulier est réservé aux revenus distribués par les véhicules d’investissement immobilier français à leurs investisseurs luxembourgeois. Il est désormais prévu que « (…) les dividendes payés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers au sens de l’article 6 par un véhicule d’investissement établi dans un État contractant (…), qui distribue la plus grande partie de ces revenus annuellement et (…) dont les revenus ou gains tirés de ces biens immobiliers sont exonérés d’impôt » (Conv., art. 6). Ils seront imposés selon une retenue à la source passant de 5 % à 15 % dès lors que le bénéficiaire effectif luxembourgeois détient directement ou indirectement moins de 10 % du capital de ce véhicule. Les détenteurs de plus de 10 % du capital de ce véhicule subiront une retenue à la source de 30 %.

Il semble clair que les entreprises luxembourgeoises et françaises devront continuer de se conformer dans les mois à venir au texte de loi.

Si vous souhaitez en savoir davantage sur cette thématique, retrouvez nos experts français et luxembourgeois le 6 mai prochain (après-midi) pour maîtriser les aspects corporate tax et les conséquences de la Convention franco-luxembourgeoise dans votre secteur d’activité.

Shirine Jafari

Rédactrice

IFE