Taxe Caïman

Sans titreDenis-Emmanuel Philippe
Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Luxembourg
Bloom Law
Maître de conférences
ULg
Denis-Emmanuel Philippe intervient dans le cadre de la conférence la future taxe Caïman du 1/12/2015 à Luxembourg.

La taxation par transparence, également dénommée taxe Caïman, a été instaurée par la loi-programme du 10 août 2015 (M.B., 18 août 2015). Elle a provoqué une secousse tellurique dans le paysage fiscal belge. Elle prévoit en substance que les personnes physiques belges (fondateurs ou bénéficiaires d’une construction juridique) seront taxées par transparence sur les revenus recueillis par la construction juridique, à partir de l’exercice d’imposition 2016 (revenus 2015) (art. 5/1 du CIR). En bref, ces revenus seront taxés à l’IPP au niveau de la personne physique, comme si elle les avait directement perçus.

La taxation par transparence, également dénommée taxe Caïman, a été instaurée par la loi-programme du 10 août 2015 (M.B., 18 août 2015). Elle a provoqué une secousse tellurique dans le paysage fiscal belge. Elle prévoit en substance que les personnes physiques belges (fondateurs ou bénéficiaires d’une construction juridique) seront taxées par transparence sur les revenus recueillis par la construction juridique, à partir de l’exercice d’imposition 2016 (revenus 2015) (art. 5/1 du CIR). En bref, ces revenus seront taxés à l’IPP au niveau de la personne physique, comme si elle les avait directement perçus.

La taxe Caïman s’inscrit dans le prolongement de l’obligation déclarative des constructions juridiques. Depuis l’exercice d’imposition 2014, les particuliers belges doivent faire mention, dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques, du fait qu’ils ont la qualité de fondateur ou de bénéficiaire (potentiel) d’une construction juridique (art. 307, §1er, 4° du CIR). La taxe Caïman vient, pour reprendre l’expression du législateur, «combler le vide de taxation» s’agissant des constructions juridiques détenues par des particuliers belges.

La taxe Caïman frappe deux types de constructions juridiques. En bref, il s’agit des trusts (catégorie 1) et des entités dotées de la personnalité juridique qui ne sont pas soumises à un impôt ou sont soumises à un impôt sur les revenus de moins de 15% (catégorie 2).

Illustrons l’impact de la taxe par transparence à l’aide de l’exemple suivant. Voici un habitant du Royaume, Monsieur Dupont, qui détient en 2015 l’intégralité des actions d’une Société de Gestion de Patrimoine Familial luxembourgeoise (« SPF »). La SPF est reprise dans la liste des constructions juridiques de la seconde catégorie, dans l’arrêté royal du 23 août 2015 (M.B., 28 août 2015) relatif aux entités établies au sein de l’EEE. La SPF possède un portefeuille-titres d’une valeur de 20 millions d’euros, composé d’actions et d’obligations. Imaginons qu’en 2015, le rendement du portefeuille-titres s’élève à 5%, soit 1.000.000 EUR. Plus précisément, on retrouve des plus-values sur actions pour 500.000 EUR, et des dividendes et intérêts pour 500.000 EUR.

La SPF échappe en principe à tout impôt sur les revenus (dividendes, intérêts) qu’elle recueille et les plus-values qu’elle réalise. En revanche, Monsieur Dupont sera taxé par transparence à l’IPP sur les dividendes et les intérêts recueillis par la SPF, en principe au taux de 25%. Il devra ainsi payer son tribut au fisc belge à hauteur de 125.000 EUR (25%*500.000 EUR). Les plus-values sur actions seront en principe exonérées, dans la mesure où elles relèvent de la gestion normale du patrimoine privé (art. 90,9° du CIR). Cet exemple illustre que la transparence est totale (absence de conversion des revenus).

Beaucoup de personnes physiques belges envisagent aujourd’hui de liquider leur construction juridique, en vue d’éviter la taxe par transparence. Il faudra toutefois compter, dans ce cas, avec l’imposition (au titre d’impôt de liquidation) «pour la partie qui excède le montant des avoirs apportés qui ont déjà subi leur régime d’imposition en Belgique » (nouvel art. 18, al. 1, 2° ter, b), CIR 1992). Cette disposition spécifique est limitée aux constructions juridiques de catégorie 2, c’est-à-dire les constructions juridiques dotées de la personnalité juridique. Un point capital doit être souligné ici: si le capital apporté dans la construction juridique (de la seconde catégorie) «n’a pas subi son régime d’imposition en Belgique» (argent non déclaré), celui-ci sera soumis également à l’IPP au taux de 25% lors de la liquidation!

D’autres solutions doivent à mon avis être envisagées, notamment la modification de la composition du patrimoine de la construction juridique (investissement dans des actifs défiscalisés, par exemple des produits d’assurance de la branche 23), la transformation de la construction juridique (par exemple, conversion de la SPF en SOPARFI), son transfert de siège vers la Belgique, son absorption dans une entité non visée par la taxe caïman, etc. La prudence est toutefois de mise. Lorsque le contribuable entend échapper au champ d’application de la taxe caïman, il a intérêt à examiner si la mesure anti-abus spécifique à la taxe caïman (contenue à l’article 344/1 du CIR) ne pourrait pas s’appliquer.

Cette disposition prévoit que « N’est pas opposable à l’administration, un acte juridique ou un ensemble d’actes juridiques d’une construction juridique visée à l’article 2, § 1er, 13°, b, dans le cadre de l’application des articles 5/1 et 220/1 dans le chef des fondateurs de la construction juridique visés à l’article 2, § 1er, 14°, ou, le cas échéant, des bénéficiaires autres de la construction juridique visés à l’article 2, § 1er, 14°/1 ». Cette mesure anti-abus spécifique vise les seules constructions juridiques de la seconde catégorie (et donc pas les trusts, qui appartiennent à la première catégorie visée à l’article 2,§1er,13°,a du CIR).

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